La fille du miroir - prologue

C'était un dimanche ensoleillé. Elle ne l'a pas oublié car quand elle est sortie se promener dehors elle a eu immédiatement mal aux yeux.

C'était aux alentours de 14 heures 30.

Elle est partie courir en direction du bois comme elle le fait tous les matins depuis bientôt deux ans. Elle le connait par cœur. Elle avait l'intention de courir une heure et demie avant de rentrer chez elle.

Mais il y avait cette zone. Ce trou au milieu des arbres. Elle ne l'avait jamais vu auparavant, mais il était bien là.

Un nouveau chemin encore inconnu.

Peut-être était-il caché par un arbre qui avait été coupé entre temps, pourtant il n'y avait aucune trace de souche au sol.

Elle a décidé de ne pas prendre de risque et a continué son chemin. Elle a couru sur la route qu'elle prenait habituellement.

2 mois sont passés.

Deux mois durant lesquels cette route inconnue de toute carte l'attirait.

Pourquoi avait-elle autant d'appréhension à l'emprunter après tout ? Ce n'était qu'un chemin. Il ne pouvait y avoir que des arbres au bout. Elle ne savait pas comment il était apparu du jour au lendemain mais c'était la réalité pas un film de science fiction. La terre ne s'était pas déchirée en deux pour créer un chemin. Ou peut-être que si, après tout elle n'était pas scientifique. Et puis, elle n'avait qu'à emprunter le chemin pour le savoir.

Elle l'a fait.

Elle a d'abord marché avec appréhension sur ce nouveau chemin, s'attendant à toute éventualité. Avant d'accélérer au fur et à mesure et de se remettre à courir. Elle ne savait pas quelle heure il était, son téléphone n'ayant plus de batterie et ce pendant un moment crucial. Pourtant elle était sûre de l'avoir chargé. Mais il n'avait plus de batterie.

Le chemin était... banal. Il y avait des arbres, des arbres, et encore des arbres. Et c'était tout. Elle aurait pu même se croire sur son chemin habituel. Peut-être y était elle. Il suivait exactement la même courbe, possédait les mêmes bosses. Elle devait y être.

Soudain il y eu une courbure sur la gauche. Elle n'y était pas. La végétation semblait plus dense que jamais. Le chemin s'assombrissait à vue d'œil. Elle plongeait dans la forêt de plus en plus profondément et celle-ci semblait se refermer derrière elle. Elle ne pu faire demi tour. Elle n'en eu pas la force. L'attraction de ce lieu étant plus forte encore que la peur grandissant en elle. Les larmes lui coulaient telles une fontaine le long de ses joues. Mais elle était incapable de faire un mouvement qui irait à l'encontre de son avancée de plus en plus rapide.

Tout s'assombrissait autour d'elle. Plus aucune fleur ne voyait le jour. Le voyage ne pouvait plus s'arrêter. Elle plongeait tout droit vers un lieu qu'elle ne voulait pas connaître. Un lieu qu'elle avait passé des mois à éviter. Mais il était là devant elle, plus effrayant que jamais. Plus elle se débattait , plus la traversée devenait forte, violente.

Alors elle décida d'arrêter.

Elle décida de ne plus luter, c'était trop tard. Toutes ces forces ont alors quitté son corps. Elle ne pouvait rien y changer. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'avancer. Peut-être était-ce mieux ? Peut-être qu'elle n'a fait qu'empirer les choses ? Sa décision était prise. Elle était terrorisée par ce qui se trouvait au bout de ce lieu. Elle était terrorisée de n'avoir, pour la première fois de sa vie, aucun libre-arbitre. Peut-être en avait elle ? Peut-être qu'elle voulait juste aller là bas, qu'elle attendait cette occasion pour avoir enfin une excuse, pour pouvoir enfin lâcher prise.

Plus elle avançait, plus la forêt se refermait derrière elle, plus tout s'assombrissait, plus elle savait que sa décision était la bonne.

Rien ne pouvait lui arriver. La brise chaude a peu à peu séché ses larmes. La peur l'a abandonnée ne laissant en elle qu'un vide. Un calme extrême. Elle avait l'impression de connaître sa place. Elle savait ce qu'elle faisait. Peu importe le lieu d'arrivée, c'était le bon, elle avait raison d'y aller. Rien ne sert de fuir face à son destin. Le libre-arbitre ne l'importait. Le calme ambiant la rassurait.

Rien ne venait troubler sa course. Aucun bruissement de feuille, aucun son d'eau ruisselant, pas même le bruit de ses pieds frappant le sol en cadence, poussant pour s'éloigner du passé. Un calme à rendre fou.

Mais elle aimait ce silence. Elle pouvait pour la première fois s'entendre penser. Rien n'était la pour la déconcentrer.

Elle aimait l'obscurité ambiante.

Elle aimait la douceur du vent lui caressant la nuque.

Elle aimait la chaleur de l'air lui réchauffant lentement la peau.

Elle eu l'impression de ne jamais s'être sentie aussi bien, de ne s'être jamais autant sentie à sa place qu'en cet instant. Elle était là où elle devait être. Et nulle part ailleurs. Que désirer de plus en cet instant ? Tout lui semblait parfait. Elle cru, pendant un instant, que tout était possible, qu'elle avait atteint son objectif.

Mais la forêt s'ouvrit de nouveau devant elle. La déchirure laissa de nouveau pénétrer le soleil. Le bruit était réapparu. Comment avait-il pu disparaître ? En y repensant, c'était impossible. Pourtant il n'y avait qu'un seul bruit autour d'elle, un bruit d'eau ruisselante. Aucune feuille balancée par le vent n'émettait de son. Aucun de ses pas ne parvenait à résonner jusqu'à ses tympans. Elle sentit des frissons parcourir tout son corps de ses pieds au sommet de son visage en prenant conscience de cela. La chair de poule prit ses bras en otage quand elle décida d'avancer en direction du seul bruit qu'elle entendait.

Elle ne vit d'eau nulle part. Juste un miroir. Un immense miroir posé au milieu de la clairière dans laquelle elle venait d'atterrir. Il n'avait nullement sa place ici.

Il se contentait de renvoyer son image.

Elle avait pourtant l'impression de redécouvrir chaque partie de son corps avec des yeux nouveaux.

Ce corps mouvant devant elle s'observait, mais ce n'était pas elle. C'était impossible.

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