Des soupçons de dopage sont nés, lors du dernier Tour de France, autour de Tadej Pogačar. À la suite des déclarations de deux anciens cyclistes : Stéphane Heulot et Romain Feuillu, ces soupçons ont pris une tout autre ampleur.

Panneau « Contrôle Anti-Dopage » ©www.cyclisme-dopage.com

 

Le cyclisme attire tous les regards dès que le mot « dopage » apparaît dans la presse. Le scepticisme devance les victoires et les futurs contrôles positifs. La moindre rumeur ou le moindre soupçon se propagent bien plus vite que dans n’importe quel sport. Prudence et réflexion sont nécessaires avant de s’exprimer dans les médias sur le sujet. Alors, si deux anciens porteurs du maillot jaune en viennent à dénoncer un même coureur, vous pouvez également être sceptique vis-à-vis de leur déclaration.

 

Des performances douteuses

Lors de son interview pour Ouest France, Stéphane Heulot déclare : « J’ai du mal à comprendre comment un coureur de 75 kg peut monter à une vitesse folle un col et maintenir sa montée ensuite. […] Car on est peut-être sur du dopage chimique, mais aussi électrique. » Les soupçons seraient fondés sur la vitesse de Tadej Pogačar dans les cols.

Tadej Pogačar en plein effort dans le col de Peyresourde ©gettysport

À de nombreuses reprises des records de vitesse ont été battus lors du Tour de France 2020. Tadej Pogačar a notamment atomisé celui du col de Peyresourde. Sur cette ascension pyrénéenne, le slovène a grimpé les 9,8 km en 24min35s à 23,94 km/h de moyenne sur cette pente moyenne de 7,54 %.

La vitesse ? Juste des chiffres exprimés en km/h. Les calculs de puissances ? Juste des chiffres exprimés en watts. Les deux réunis permettent de comprendre et de vérifier les soupçons de l’ancien maillot jaune.

Il a ainsi développé 462 watts, ce qui est déconcertant. Comparé aux données des autres cyclistes, de telles performances ont majoritairement été réalisées par des athlètes rattrapés par des affaires de dopage. Même en nuançant avec le caractère exceptionnel de l’épreuve 2020 qui a été marquée par un niveau spectaculairement élevé – qui s’explique par le calendrier impacté par le Covid-19 – ces résultats restent tout de même ahurissant. Avec une autre unité, les watts par kilogramme, les chiffres sont également équivoques. Sur les 9,8 km, Pogačar a développé 6,7 W/kg. Un tel résultat ne peut qu’éveiller les premiers soupçons. Entre 6,5 et 7, les valeurs sont considérées comme limites. C’est-à-dire, à la frontière du rationnel. Il a, par ailleurs, pulvérisé le record d’un ancien coureur dopé (Alexander Vinokourov). Il est tout à fait compréhensible de voir apparaître des doutes.

Si la vitesse du coureur avait été moins élevée, les résultats auraient été moins équivoques. Ainsi quand Stéphane Heulot dénonce la « vitesse folle » de Pogačar, il a raison.

Un entourage suspicieux

Dans la suite de son entretien pour Ouest France, Stéphane Heulot évoque l’entourage du coureur. Il déclare : « Que des personnes comme Mauro Gianetti, ou comme d’autres, soient encore dans le cyclisme aujourd’hui, c’est impensable. » L’équipe dont fait partie Tadej Pogačar est constituée de membres ayant eu des liens avec le monde du dopage. Les doutes sont plus nombreux, car son entourage ayant l’expérience du dopage.

Tadej Pogačar avec Maura Gianetti à l’issu de la dernière étape du Tour de France ©www.eurosport.fr

Parmi son équipe, trois sont connus pour leur passé sulfureux. On retrouve notamment ce même Mauro Gianetti dont parlait Stéphane Heulon. Dans sa carrière d’entraîneur, ce-dernier avait quitté le Tour 2008 après le contrôle positif de son cycliste Riccardo Ricco. Deuxième homme suspect : Joxean Matxin Fernandez, ayant aussi été mêlé à plusieurs affaires de dopage. Enfin, il y a Andrej Hauptan. C’est celui qui a repéré Pogačar et c’est aujourd’hui son directeur sportif. Interdit de prendre le départ de la grande boucle à l’époque, en raison d’un taux d’hématocrite trop élevé, son passé a ressurgi depuis.

Les doutes de Stéphane Heulot sont tout à fait fondés. Ces propos sont exacts et une fois de plus, le grand public – qui ne connaît que très peu ces hommes de l’ombre – peut se permettre de croire son discours.

La Slovénie : 42 % de dopés

Romain Feuillu, avait lui aussi évoqué ses doutes sur Pogačar. De son côté, il exprime le dopage en Slovénie : « On sait que c'est un petit pays de deux millions d'habitants qui n'a pas eu de palmarès immense sur le Tour, et qui arrive tout d'un coup à placer deux coureurs aux deux premières places du Tour ! Il faut aussi se souvenir du passé récent en matière de dopage de ce pays ».

Le compatriote de Tadej Pogačar, Primoz Roglic lui aussi soupçonné de dopage ©Espé

Effectivement, sur la période allant de 2009 à 2019, 19 coureurs slovène ont roulé au plus haut niveau. Sur ses 19, 8 ont été suspendus pour dopage, soit 42 %. Recontextualiser les performances de Pogačar par rapport aux actes de ses compatriotes est primordial. Et cela, Romain Feuillu l'a bien compris.

Donc oui, vous avez le droit de croire ces soupçons de dopage, car ils sont fondés. Les propos de ces deux anciens cyclistes, basés sur des arguments obscurs, sont vérifiés. Mais ils ne prouvent pas non plus que le coureur l’est. A vous de vous faire votre propre avis sur la question.

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