Le Loup Bleu - Le trou des enfers
Le Loup Bleu - Le trou des enfers

"Elle se vit embrasser le meurtrier de sa soeur."


Élisabetha Cullen se diriga vers le fond de son manoir en direction de son jardin. Et plus précisément vers l'étoile jaume au sol qui y était tracée depuis une éternité à présent.

La femme qui lui avait montrée cet endroit lui avait dire de ne le creuser que quand elle saurait qu'elle était prête.

Mais prête à quoi bon sang ?

Quoi qu'il en soit elle était prête, et elle en avait marre d'attendre.

Ce n'était pas le seul conseil que celle-ci lui avait donnée, elle lui avait aussi dit de le creuser le plus lentement possible.

Il y avait tout de même un risque : la vieille folle lui avait racontée qu'en creusant trop profond dans le passé elle tomberai en enfer et deviendrai un des "toutous" du diable.

Élisabetha planta ses ongles dans la terre. Elle est tellement meuble qu'il me suffirait d'un faux mouvement pour remonter d'une centaine d'année en arrière. Il faut dire que c'était vrai, elle devait plus avoir l'impression de toucher de la mousse que de la pierre. Mais n'était ce pas fait exprès pour qu'elle soit damnée ?

Elle n'enleva qu'un millimètre de terre avant d'attendre. 1 minute. Puis deux.. Puis trois... Mais rien ne se passait. La terre restait toujours aussi noire. Je l'ai payé pour cet endroit, bon dieu ne me dites pas que j'ai attendu toutes ces années, que j'ai fait tout ce que j'ai fait, pour rien !

Ne t'inquiètes pas ma belle, regarde juste la terre, elle commence déjà à s'éclaircir.

La, cher lecteur je voulais dire "jeune fille" mais je crois qu'Élisabetha est tout sauf jeune, malgré son apparence laissant penser qu'elle a à peine 30 ans, alors et bien disons simplement la fille. La fille ne put s'empêcher de sursauter en voyant les images qui commençaient déjà à se former dans le trou.

Elle n'etait peut être pas si sénile que ça.

Deux garçons y apparurent, ils étaient en train de jouer au football dans l'herbe, à l'orée d'une forêt. Le lieu ressemblait fortement à l'endroit où notre personnage se trouvait, en moins délabré bien entendu. Et c'était peu être, sûrement, le même. Mais c'était trop fou pour être vrai, pas vrai ? Bien sûr que c'était impossible qu'un trou dans la terre lui envoie des images du passé. Tout comme le fait qu'un trou dans la terre lui envoie des images...

Élisabetha planta une nouvelle fois ses ongles dans la terre meuble, constatant qu'elle l'était un peu moins que précédemment. Cette fois ci on aurait plus dit du sable qu'à de la mousse. Mais la terre était encore extrêmement douce sous ses doigts, extrêmement attirante, lui donnant envie de creuser dans s'arrêter à l'intérieur. Mais, heureusement pour elle, elle se rappella des paroles de la vieille femme. Peu être était-ce pour cela que cet endroit était appelé le trou du diable. Cette attirance qu'il exerçait sur elle alors qu'elle savait pertinement que fouiller dans le passé sans y être invitée était mal.

De nouveau, des images apparurent. Cette fois ci il y avait deux jeunes filles en train de pique-niquer sur un vieux tissu à carreaux noirs et rouges, leurs magnifiques robes formaient deux cercles énormes sur le sol qui prenaient presque toute la place sur la nape. Entre elles se trouvait un panier en osier qui semblait tout droit sorti du XIXème siècle. Une des deux se mit à rire et Élisabetha l'entendit raisonner joyeusement autour d'elle. On dirait un paysage de carte postale. Elle avait envie d'aller s'assoir avec ces deux anges et de rester là pour l'éterniter.

Tout à coup le ciel devient noir et un rire bien plus sombre résonna.

Tu as pensé trop vite je crois, ça m'étonnerait que tu veuilles encore rester ici.

Les deux filles partirent en courant la tête basse sur un sentier qu'elle n'avait pas vu auparavant et Mlle Cullen dut faire tous les efforts du monde pour que son esprit parvienne à les suivre. Plus elles avançaient, plus le ciel devenait noir, plus elles se mettaient à hurler, pleurer, et supplier les cieux (qu'elle ironie).

Malheureusement l'image se dissipa avant de redevenir la terre qu'elle était en réalité, quoi qu'un peu plus sombre que précédemment. Sans réfléchir Élisabetha y planta ses ongles, s'ecorchant les mains au passage, afin de voir la suite. Elle était allée trop loin pour pouvoir s'arrêter là. Elle sentait au fond d'elle que l'attraction que cet endroit exerçait en elle n'était pas sain, mais c'était plus fort qu'elle il fallait qu'elle sache. Peu être que je ne suis pas assez forte, assez prête finalement.

Une calèche apparut tout à coup et elle reconnut la jeune fille blonde qui était en train de pique-niquer précédemment. Maintenant qu'elle prenait le temps de la regarder, son visage lui rapelait vaguement un être cher, mais elle n'aurait su dire qui. Cette fois elle semblait n'avoir qu'une quizaine d'années et était occupée à discuter a voix basse avec la personne assise en face d'elle.

On ne pouvait apercevoir que la robe rouge écarlate de son interlocutrice grâce à la maigre lumière lunaire qui l'eclairait à travers la fenêtre.

Cette scène me dit quelque chose.

Un éclair transpersa le ciel et un frisson d'effroi la parcouru, la faisant reculer de quelques centimètres. Pitié, pas ça.

Elle ne put détacher son regard sachant pourtant pertinement ce que ce trou de malheur allait lui montrer, sachant pertinement que c'était sa soeur en face d'elle et que c'était elle l'interlocutrice. Pourtant, il ne peut pas savoir. C'est impossible, c'était il y a bien trop longtemps.

En y faisant un peu plus attention, elle sentit ses doigts enfoncés bien trop profondément dans la terre, mais plus elle tirait pour les retirer plus ils s'enfonçaient et plus la scène devenait nette, précise, réelle.

La calèche s'arrêta dans un bruit sourd et elle vit avec horreur sa soeur descendre pour aller demander au cocher ce qu'il se passait. Elle senti son corps se lever pour la suivre.

Devant elles se trouvait un homme habillé de noir leurs tournant le dos. Il avait ses dents plantées dans le cou du cocher. Les deux soeurs s'attrapèrent la main et se mire à reculer au ralentit, ne quittant pas l'agresseur des yeux.

Arrivées au niveau de la forêt, sa petite soeur se cogna contre un arbre et tomba par terre en criant.

C'est à se moment là qu'il se retourna pour les fixer de ses grands yeux rouges.

Elles se mirent alors à hurler avant de s'enfuir en courant dans les bois. Elles ne regardaient pas où elles allaient, elles voulaient simplement s'enfuir loin de ce monstre.

Elles avaient beau sans cesse accélérer, le rire monstrueu, le même que celui qui avait fait fuir sa petite soeur lors du pique-nique, se rapprochait lentement mais sûrement.

Il ne courrait pas, il se contentait de marcher, sachant pertinement qu'ils les rattraperait afin d'éliminer les preuves. C'était sa forêt et elles n'avaient aucune chance. Ils savait qu'elles allaient vers la rivière et qu'avec l'orage le courant serait bien trop fort. Il savait qu'a ce niveau là il y avait le confluent entre les deux rivières. Tout comme il savait qu'elles allaient bientôt être bloquées et forcées de s'arrêter ou de se jeter dans le fleuve. Dans tous les cas il avait gagné.

L'homme entendit leur cri, signe qu'elles étaient arrivées "la ou la rivière se rejoint". Il ne tarda pas à émerger des bois, juste en face d'elles.

Élisabetha lança un regard horrifié à sa soeur tout en lui criant qu'elles allaient s'en sortir. Mais il n'y avait aucun moyen. On ne pouvait simplement PAS s'en sortir. Et on ne s'en est pas sorties. Elle dit à sa soeur de ne pas bouger. Mais celle-ci était trop apeurée pour l'écouter. Et elle ne l'a pas écoutée.

Sans y faire attention Elisabetha c'est retournée faire face à l'homme.

Elle a laissée sa petite soeur.

Elle sentit un mouvement à côté d'elle puis entendit un hurlement lui dechirer les typans. Elle eut le temps de voir sa soeur plonger dans les eaux noires avant d'être emportée par le courant.

Au même moment l'homme l'a attrapée par derrière avant de plonger ses crocs dans son cou.

Élisabetha senti que la terre arrivait au niveau de ses poignets à présent et elle ne faisait que remonter le long de ses bras, de plus en plus vite.

Les images s'enchainaient de plus en plus vite sous ses yeux.

Elle se vit enfermée dans un château. Puis en train de s'observer dans un miroir. Assise par terre à pleurer.

Ses avants bras étaient dans la terre.

Elle vit ses crocs plantés dans le cou d'un innocent. Elle se vit en train de rire avec son agresseur. Elle vit la tombe vide de sa soeur sur laquelle elle apportait une rose blanche tous les jours.

La terre touchait ses épaules.

Elles vit faire l'acte qu'elle s'apprêtait à regretter le plus. Elle se vit tuer ses parents pour rester avec l'homme qu'elle aimait.

Elle la sentait à présent frôler son visage.

Elle se vit embrasser le meurtrier de sa soeur.

Elle ne vit plus rien.

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